Le DSA croule sous les amendements avant le vote clé au Parlement européen

Jeudi 20 janvier, les eurodéputés se prononceront sur la loi sur les services numériques (Digital Services Act, DSA). [Botond Horvath/Shutterstock]

Plus d’une centaine d’amendements ont été déposés sur la législation sur les services numériques (Digital Services Act ou DSA) avant le vote en plénière, avec quelques retours importants et quelques reformulations de propositions existantes.

Les amendements sont un mélange de nouvelles propositions, de retours sur des mesures rejetées par la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO), et de versions plus modérées de propositions qui n’ont pas réussi à obtenir une majorité jusqu’à présent.

Selon un fonctionnaire du Parlement européen, il n’y a pas eu de surprise particulière, « mais se mettre d’accord sur une liste de vote sera un véritable cauchemar ».

Le DSA sera discuté lors de la session plénière de mercredi (19 janvier), les votes étant prévus le lendemain.

Les groupes politiques

Les eurodéputés verts, de gauche, conservateurs et de droite ont déposé des dizaines d’amendements, dont plusieurs visent davantage à envoyer un message politique que de proposer des mesures susceptibles de passer le cap du vote en plénière.

Les Verts ont déposé plus de 20 amendements, dont certains rejetés par la commission IMCO sur les locations à court terme, les assemblées citoyennes, les frais de surveillance et les risques environnementaux..

D’autres amendements concernent les systèmes de recommandation, l’impact environnemental des achats en ligne, la méthodologie de désignation des très grandes plateformes en ligne (VLOPs selon l’acronyme anglais), la possibilité de signaler des contenus illégaux de manière anonyme et l’interopérabilité des plateformes.

En ce qui concerne la modération du contenu, les Verts ont demandé des garanties strictes pour l’utilisation d’outils automatisés. Ils ont également demandé à ce que seules les autorités judiciaires puissent demander le retrait d’un contenu illégal, retirant ainsi cette compétence à l’administration publique.

Un autre amendement présenté par les Verts propose d’exclure les bibliothèques virtuelles et les plateformes éducatives à but non lucratif telles que Wikipédia des obligations de notification du DSA.

De même, la gauche a déposé plus de 20 amendements, dont les plus importants portent sur la suppression des garanties relatives aux secrets commerciaux dans les obligations de transparence et sur des mesures interdisant les publicités ciblées, le profilage en général et l’utilisation de données sensibles.

Les eurodéputés de gauche souhaitent également introduire des mesures d’interopérabilité, des obligations de suspension du contenu illégal, un droit de recours contre les commerçants en ligne et une augmentation des sanctions de 6 à 10 % du chiffre d’affaires.

Les amendements de la Gauche comprennent des garanties sur le commerce des animaux, un point que le gouvernement allemand a soulevé à plusieurs reprises lors de la discussion qui ont eu lieu au Conseil.

Le groupe conservateur ECR et le groupe d’extrême droite ID ont déposé moins d’amendements axés sur la protection de la liberté d’expression et ciblant les réseaux sociaux, et sont allés jusqu’à empêcher l’interdiction des comptes qui enfreignent les règles de modération du contenu et à supprimer les signaleurs de confiance.

L’accord parlementaire sur le DSA devrait tenir jusqu'au vote final en commission

Les principaux groupes politiques du Parlement européen ont trouvé un terrain d’entente sur le DSA, qui devrait être largement confirmé lors d’un vote clé en commission, les amendements alternatifs n’ayant jusqu’à présent recueilli qu’un soutien limité.

Les Commissions du Parlement européen

La commission de l’industrie (ITRE) a présenté des amendements sur les obligations d’interopérabilité pour les VLOPs afin d’éviter un effet de « verrouillage », notamment pour la portabilité des systèmes de réputation.

La commission ITRE a également proposé de permettre aux PME d’établir un représentant légal via la représentation collective et de donner aux micros et petites entreprises plus de flexibilité pour se conformer aux obligations du DSA.

La commission des libertés civiles (LIBE) a soumis plusieurs amendements concernant la possibilité de payer en ligne de manière anonyme ainsi que des limitations importantes concernant l’utilisation d’outils automatisés pour la modération de contenu.

Pour la commission LIBE, l’ordre de retrait d’un contenu illégal ne devrait pas s’appliquer si ce contenu est légal dans le pays où l’entreprise est établie. En tout état de cause, les ordres de retrait ne devraient s’appliquer que dans la juridiction de l’autorité qui les émet.

En outre, les eurodéputés spécialisés dans les libertés civiles ont proposé des amendements qui exigent que les modérations de contenu n’interfèrent pas avec la liberté d’expression. Par ailleurs, la divulgation d’informations personnelles ne devrait avoir lieu que pour prévenir ou enquêter sur des crimes graves.

L’exemption relative aux médias

L’exemption relative aux médias était une proposition controversée destinée à exclure le contenu éditorial des règles de modération du contenu des plateformes numériques. La mesure a été rejetée par la commission IMCO car elle pourrait ouvrir la voie à la désinformation.

Deux amendements ont été déposés à l’initiative d’Emmanuel Maurel et de Geoffroy Didier, avec le soutien de membres de la Commission de la culture.

Le plus important d’entre eux impose aux plateformes de mettre en place des procédures spécifiques pour traiter les contenus éditoriaux et donner aux médias la possibilité de contester la décision avant qu’elle ne soit appliquée.

« Les derniers amendements visent à introduire des obligations pour rendre les plateformes responsables du respect des droits fondamentaux et de la liberté des médias et des règles applicables en matière de contenu », a déclaré Wouter Gekiere, chef du bureau de Bruxelles de l’Union européenne de radiotélévision.

En revanche, le directeur exécutif de l’EU DisinfoLab, Alexandre Alaphilippe, estime que les éditeurs pourraient contester la décision sans problème, empêchant ainsi qu’elle soit un jour appliquée.

Ce même groupe de signataires a déposé des amendements visant à donner aux titulaires de droits la capacité de signaler les contenus illégaux sans être qualifiés de « signaleurs de confiance ».

L’exemption pour les médias a été exclue des négociations du DSA, mais pourrait revenir

Une tentative visant à exempter les médias des nouvelles règles de modération du contenu a été écartée suite à l’opposition de tous les principaux groupes politiques, mais la bataille n’est pas terminée.

La publicité ciblée

Les amendements sur les publicités ciblées étaient également largement attendus suite à l’initiative de la coalition « Tracking-free ads », une coalition multipartite composée de députés de la Gauche et du Centre.

La coalition a initialement fait pression pour une interdiction totale de la publicité ciblée dans le cadre du DSA. Cependant, suite à la résistance des législateurs plus favorables aux entreprises, un accord a été trouvé pour interdire uniquement le ciblage publicitaire des mineurs.

La coalition a présenté deux amendements, qui ne vont pas jusqu’à une interdiction totale, faute de majorité.

Le premier amendement exigerait que la plateforme ne désactive pas les fonctionnalités pour les utilisateurs qui refusent de consentir à ce que leurs données personnelles soient utilisées à des fins publicitaires. Le second obligerait les plateformes à permettre aux utilisateurs de prendre une décision en connaissance de cause, et la procédure pour exprimer son refus de consentement ne devrait pas être plus complexe que le simple fait de donner son consentement.

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