Les grands constructeurs de camions au sein de l’UE se tournent vers l’hydrogène

Mardi 15 décembre, sept grands constructeurs de camions se sont engagés à cesser de vendre des véhicules à carburant fossile d'ici à 2040. EPA-EFE/FILIP SINGER [Photo: EPA-EFE/FILIP SINGER]

Mardi 15 décembre, sept grands constructeurs de camions se sont engagés à cesser de vendre des véhicules à carburant fossile d’ici à 2040 alors qu’une nouvelle étude historique a démontré que l’hydrogène devrait jouer un rôle majeur dans l’alimentation des transports lourds au cours des prochaines années.

CNH, Daimler, DAF, Ford, MAN, Scania et Volvo ont signé cette semaine une déclaration commune avec l’Institut de recherche sur le climat de Potsdam, s’engageant ainsi à éliminer progressivement les carburants fossiles d’ici à 2040.

« La neutralité carbone d’ici à 2050 au plus tard implique que d’ici à 2040, tous les nouveaux véhicules commerciaux vendus doivent être exempts de combustibles fossiles. Et c’est une promesse que l’industrie des véhicules commerciaux fait maintenant pour la première fois », révèle le document.

Le PDG de Scania, Henrik Henriksson, a déclaré : « Si le transport routier de marchandises doit conserver son rôle au service de la société, nous devons nous éloigner des combustibles fossiles le plus rapidement possible. Non seulement nous sommes convaincus que c’est nécessaire, mais nous savons que c’est possible et nous sommes prêts à le faire ».

La déclaration ambitieuse des constructeurs de camions est conforme à ce que la Commission européenne a exposé dans sa nouvelle stratégie de mobilité durable, qui vise à mettre en circulation 80 000 camions zéro émissions d’ici à 2030 et à faire en sorte que toutes les nouvelles ventes passent au vert d’ici à 2050.

« Des véhicules zéro émissions fiables et efficaces commencent déjà à être commercialisés, mais nous devrons rapidement augmenter leur nombre et leur autonomie au cours des prochaines années », peut-on lire dans le dossier.

« Cela nécessitera un changement de paradigme, en s’éloignant le plus rapidement possible des combustibles fossiles comme principal vecteur d’énergie », écrivent les signataires, prévenant que « les véhicules à zéro émission ne décolleront pas tant que le diesel restera moins cher ».

Le Danemark et la Norvège veulent construire le plus grand ferry à hydrogène du monde

Un projet dano-norvégien, qui vise à construire ce qui sera le plus grand et le plus puissant ferry à hydrogène du monde, a sollicité un financement de l’UE. L’idée est de mettre en service une ligne Copenhague-Oslo d’ici à 2027.

De nouvelles règles européennes, notamment l’Eurovignette sur la tarification routière et une prochaine révision de la législation de l’UE sur la taxation de l’énergie, devraient permettre de passer des combustibles fossiles à la mobilité électronique ainsi qu’à l’hydrogène et aux carburants à faible teneur en carbone.

L’ONG Transport & Environnement, spécialisée dans la mobilité propre, a salué l’engagement des constructeurs de camions, mais a averti que la promesse « ne doit pas être utilisé comme un cheval de Troie pour accroître l’utilisation des biocarburants ». Seules les véritables technologies à zéro émission (telles que les batteries et l’H2) sont la solution.

Selon une étude publiée en décembre par l’entreprise commune « Piles à combustible et Hydrogène » (FCH JU pour Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking), l’hydrogène jouera un rôle important.

L’étude conclut que les camions équipés de piles à combustible à hydrogène (FCH) peuvent devenir compétitifs sur le plan des coûts d’ici à 2027, si le prix de l’hydrogène tombe à 6 €/kg, et l’étude vante également leur « grande flexibilité opérationnelle et leur temps de ravitaillement relativement court ».

Des doutes subsistent quant aux batteries électriques et à leur capacité à alimenter les transports lourds longue distance, bien que leur application dans les trajets urbains et les convois autoroutiers donne de bons résultats.

Le coût de l’hydrogène devrait baisser au même rythme que l’approvisionnement, à mesure que de nouveaux électrolyseurs seront mis en service. Le type d’hydrogène utilisé pour le ravitaillement des véhicules sera également un élément crucial du débat, car l’hydrogène « gris » et « bleu » utilisent tous deux du gaz fossile dans leur processus de fabrication.

Les coûts de transport de l'hydrogène varieront au cas par cas, selon l'industrie

Si les gazoducs peuvent être utilisés pour transporter l’hydrogène, le coût de la modernisation des infrastructures, combiné aux besoins des utilisateurs au niveau local, détermineront si c’est de l’hydrogène mélangé ou pur qui sera livré au consommateur final, selon les experts de l’industrie.

Les données montrent que dans un scénario de référence où les coûts et la production de véhicules se déroulent de manière positive, le FCH pourrait prendre 17 % des nouvelles ventes d’ici à 2030, ce qui permettrait d’atteindre le seuil de 80 000 unités fixé par la Commission.

« Nous sommes convaincus que les poids lourds FCH de l’industrie de la logistique peuvent servir de précurseur pour les applications de l’hydrogène en mettant en évidence les avantages environnementaux et commerciaux en Europe », stipule une autre déclaration des constructeurs de camions et d’autres parties prenantes.

L’étude admet qu’au vu de l’état actuel de l’industrie, l’achat de véhicules FCH impliquera une prime d’achat initiale d’environ 20 % par rapport aux solutions de remplacement du diesel.

Les auteurs ont identifié vingt-deux obstacles technologiques et non technologiques, dont l’hésitation des consommateurs à l’égard d’une nouvelle technologie, mais ils ont ajouté qu’ « aucun de ces obstacles n’est considéré comme un obstacle à une commercialisation réussie ».

Une barrière majeure ? La petite taille du réseau de ravitaillement, une contrainte également ressentie par les véhicules électriques. De ce fait, l’UE et les gouvernements nationaux ont été invités à assurer le financement des nouvelles infrastructures là où elles sont le plus nécessaires.

« En outre, les infrastructures de ravitaillement en H2 doivent être déployées de manière significative et synchronisées avec les ventes de camions FCH », ajoute l’étude.

L’année prochaine, la Commission doit réviser sa directive sur les infrastructures de ravitaillement en carburants de substitution dans le cadre d’une vaste mise à jour de l’ensemble de sa législation liée au climat. Cette révision devrait faire du ravitaillement en hydrogène une priorité.

Le transport routier n’est cependant pas le seul à avoir une part du gâteau de l’hydrogène et, étant donné l’offre limitée, il sera confronté à la concurrence des installations industrielles – généralement reconnues comme le secteur où le carburant peut apporter les plus grands gains environnementaux – et d’autres nœuds de transport.

Le rail apparaît rapidement comme un candidat à la décarbonation de l’hydrogène, en particulier dans les domaines où l’électrification est difficile ou trop coûteuse, tandis que le potentiel d’utilisation de ce carburant dans l’aviation et le transport maritime est énorme, bien que les prototypes soient plus immatures en comparaison.

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