Paris, Berlin et Rome isolés sur le contrôle des investissements étrangers

Macron on 22 June EUCO [European Council]

Soucieux de ne pas alimenter le protectionnisme, la majorité des États membres se sont opposés à la proposition de Paris, Berlin et Rome de renforcer le contrôle des investissements étrangers au niveau européen.

Le président français, Emmanuel Macron, a promis de se battre pour « une Europe qui protège ». Pendant sa campagne, il avait insisté sur l’importance de la politique commerciale dans sa stratégie européenne, faisant écho aux inquiétudes de nombreux français, qui voient dans la mondialisation la cause de la fermeture d’usines.

Alors que les entreprises européennes ont un accès restreint aux marchés étrangers, elles se font souvent racheter par des sociétés étrangères, surtout chinoises. La position de Paris pour un contrôle européen des investissements étrangers était soutenue par l’Italie et l’Allemagne.

En février, les trois gouvernements ont ainsi appelé à ce que l’UE reçoive plus de pouvoir sur les investissements étrangers stratégiques et puissent surveiller, voire bloquer, des rachats.

Mais le 22 juin, lors du sommet, une majorité d’États membres a cependant décidé d’alléger la proposition avancée par la Commission dans le cadre d’un « document de réflexion » sur la mondialisation publié en mai.

Macron esseulé sur le contrôle des investissements chinois

Une proposition d’Emmanuel Macron de laisser plus de pouvoir à Bruxelles pour contrôler les acquisitions chinoises dans l’Union européenne, afin de protéger les secteurs stratégiques, devrait être repoussée par ses partenaires réunis jeudi et vendredi en sommet à Bruxelles.

Les conclusions du sommet indiquent que le Conseil « salue l’initiative de la Commission visant à maîtriser la mondialisation et, entre autres, à analyser les investissements réalisés par des pays tiers dans des secteurs stratégiques, dans le plein respect des compétences des États membres », sur lequel il reviendra lors d’une rencontre ultérieure.

Véto européen écarté

Les conclusions acceptées par les États membres sont très éloignées de la proposition des trois pays de mettre en place un mécanisme européen en mesure d’opposer son véto aux rachats étrangers. Le passage qui demandait à la Commission de « se pencher sur des moyens de déceler et de vérifier les investissements de pays tiers dans les secteurs stratégiques » a également été supprimé.

Le texte final constitue une déconvenue pour Emmanuel Macron. Un fonctionnaire européen a décrit une « discussion intéressante et animée », lors de laquelle un groupe d’États, comprenant notamment le Portugal, l’Espagne, la Grèce et les pays nordiques, s’est opposé aux propositions du président français. Les ambitions d’Emmanuel Macron ont été « mises en contexte », explique le fonctionnaire.

L’UE n’envisage pas de véto aux investissements stratégiques étrangers

Les dirigeants européens vont discuter des possibilités de vérification des investissements étrangers au Conseil européen. Une proposition plus radicale pour un système de véto européen des rachats étrangers reste pour l’instant exclue.

Ces États craignent notamment d’envoyer « le mauvais message » aux investisseurs, alors même que l’UE a tellement besoin d’eux. En outre, ont-ils ajouté, la protection des secteurs stratégiques relève des compétences des États membres, étant donné qu’elle est définie par les circonstances spécifiques à chaque pays. Une dizaine d’États membres envisagent de prendre des mesures pour bloquer les rachats étrangers dans des secteurs cruciaux, comme la défense ou dans des circonstances touchant à l’intérêt général.

Si la proposition de l’Allemagne, de la France et de l’Italie n’a pas obtenu le soutien des autres États membres, Emmanuel Macron et Angela Merkel insistent sur l’amélioration du cadre de contrôle des investissements stratégiques et le renforcement des outils antidumping.

Loi de la jungle

« Nous devons nous assurer que le principe de libre concurrence est respecté, ce n’est pas la loi de la jungle », a déclaré le président français après le sommet. L’Europe reste « très favorable » à l’ouverture des marchés, mais cela ne veut pas dire que « nous serons naïfs », a-t-il ajouté.

D’un point de vue plus général, la chancelière allemande a indiqué que « nous voulons changer l’UE afin qu’elle soit plus résistante face à la mondialisation ».

Pour les pays qui s’y opposent, le mécanisme européen apparait comme une option trop radicale. « Je défendrai le libre-échange parce que c’est bon pour le peuple », a par exemple assuré Mariano Rajoy, Premier ministre espagnol, qui a expliqué aux journalistes n’avoir « rien entendu » à propos d’un véto bruxellois lors du sommet. Pour lui, les défenseurs d’un nouveau mécanisme devraient « expliquer en détail » ce qu’ils imaginent.

Des sources ont révélé que Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, entend préciser ce qui pourrait et devrait être fait au niveau européen lors de son discours sur l’état de l’Union, en septembre. Le sujet du contrôle des investissements étrangers est en effet analysé en interne à la Commission. L’exécutif pourrait par exemple avoir un rôle à jouer en cas de menace à la concurrence sur le marché interne.

L’UE se met en ordre de bataille contre le dumping chinois

Après deux ans de blocage, les Européens sont tombés d’accord pour renforcer leurs instruments de défense commerciale. Une décision qui intervient alors que Pékin vient d’attaquer les Vingt-Huit devant l’OMC.

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