Le Parlement veut désamorcer les « fake news » par l’éducation

Les fausses informations ont envahi les réseaux sociaux, principale source d’information des jeunes. Pour y remédier, les eurodéputés veulent chercher des solutions dans l’éducation, plutôt que dans le contrôle technologique.

Le pape François soutient Donald Trump, l’État islamique appelle les Américains musulmans à voter pour Hillary Clinton, cette dernière commandite un réseau pédophile depuis son QG dans une pizzeria de Washington : durant la campagne électorale américaine, les « fake news » ont pullulé dans les médias sociaux et se sont vite retrouvées au cœur du débat.

Les eurodéputés se sont retrouvés en plénière le 5 avril pour trouver une solution aux discours haineux et à la désinformation, qui se propagent comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux.

Rhétorique dangereuse

À l’heure où des centaines de millions de personnes accèdent à l’information via les réseaux sociaux, l’écart se creuse entre les médias sérieux respectant une déontologie rigoureuse et les personnes qui répandent de fausses informations non vérifiées ou même des discours haineux.

Dans son rapport annuel, Amnesty International estime que 2016 était l’année des discours de haine et de la diabolisation. Selon l’ONG, les stéréotypes discriminatoires en fonction de la race, du genre, de la religion et le rejet de l’autre et des minorités sont désormais monnaie courante.

Pour Iratxe Garcia Perez, eurodéputée S&D, « ce débat est indispensable. Il faut garantir la liberté d’expression, mais la liberté d’expression a une limite : c’est le respect du droit des personnes ».

Pour étayer ses propos, l’eurodéputée espagnole a cité une étude sur la misogynie sur les réseaux sociaux. Réalisée sur trois semaines en avril 2016 dans un pays européen, l’analyse montre que toutes les dix secondes, quelqu’un insulte une femme sur Twitter. « Et cela se fait avec un bouton ! », s’est-elle indignée.

Solution dans l’éducation  

Lors du débat, les eurodéputés se sont accordés sur une chose : la solution passe par plus d’éducation. Les réseaux sociaux étant devenus la principale source d’informations des jeunes, les eurodéputés considèrent qu’il est indispensable de leur apprendre à repérer les fausses informations et d’inscrire l’analyse des médias dans les cursus scolaires.

Les informations circulent en temps réel et les plateformes n’ont pas le temps de vérifier la véracité des informations. Par conséquent, les utilisateurs, souvent attirés par le sensationnalisme, s’empressent de diffuser l’information, souvent sans contexte et sans analyse.

Présent lors du débat en plénière, Andrus Ansip, commissaire en charge de l’économie numérique, estime également qu’il est indispensable d’améliorer l’alphabétisation aux médias et aux pensées politiques. Par ailleurs, « il faut mieux communiquer sur la démocratie, l’état de droit, la protection des minorités et des droits fondamentaux ».

Pour Julia Reda, eurodéputée issue du Parti pirate, le cœur du problème n’est pas les médias sociaux, mais le sexisme et le racisme. « Nous devons prendre des initiatives à la base pour lutter contre le discours de haine. Ce n’est pas avec des solutions purement technologiques que nous résoudrons le problème. »

Éviter un ministère de la vérité

« Nous devons nous assurer que la censure n’est pas l’alternative. Personne ne veut un ministère de la vérité, mais la Silicon Valley ne peut pas être le maître de nos destins ou de nos vérités », a commenté Marietje Schaake, eurodéputée néerlandaise (ALDE).

Face à la difficulté d’imposer un cadre juridique contraignant dans une situation où quiconque peut détourner la vérité selon ses objectifs politiques, les législateurs ont affirmé que la déontologie journalistique, qui se base principalement sur l’exactitude des faits, devait s’étendre à tous les acteurs en ligne.

« La Commission continuera de faire en sorte que le droit communautaire soit respecté en ligne et hors ligne. Les fausses nouvelles c’est mauvais, mais un ministère de la vérité ce serait pire », a conclu Andrus Ansip, qui devrait présenter ses conclusions sur le sujet le 10 mai prochain, dans le cadre de la révision à moyen terme du marché unique numérique.

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