L’industrie consent à dévoiler ses études sur le glyphosate

Le Round-Up, commercialisé par Monsanto, est utilisé partout dans le monde.

Sous la pression de la Commission, le lobby pro-glyphosate a donné accès aux études réalisées sur la dangerosité du fameux pesticide. La censure partielle des textes est cependant dénoncée par Greenpeace.

Fin juin, la Commission européenne a étendu l’autorisation de commercialisation du glyphosate de 18 mois, afin de laisser le temps à l’Agence européenne des produits chimiques, l’ECHA, de terminer son évaluation du pesticide, qui devrait être publiée avant le 31 décembre 2017.

>> Lire : Bruxelles prolonge l’autorisation du glyphosate

Le Groupe de travail sur le glyphosate (GTF), un consortium d’entreprises défendant le pesticide, a décidé de donner accès à 71 études toxicologiques menées par l’industrie sur l’herbicide, dans des salles de lecture.

Dans un communiqué, le groupe insiste sur le fait que toutes les études soumises dans le cadre du processus de renouvellement de l’autorisation de vente européenne ont été examinées par les spécialistes de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et des États membres.

« Ces experts ont conclu que le glyphosate n’est pas susceptible de poser un danger cancérogène pour les humains’ et qu’il ne démontre pas de propriétés mutagènes ni d’effets sur la fertilité, la reproduction ou le développement embryonnaire », rappelle le communiqué.

La validité de ce jugement a été mise en cause par les ONG, qui reprochent à l’EFSA de s’être basée en trop grande partie sur des données fournies par l’industrie. Les ONG soupçonnent par ailleurs le glyphosate d’être un perturbateur endocrinien.

>> Lire : Les trois quarts des Allemands contaminés au glyphosate

La Commission encourage la transparence

Selon les informations obtenues par EURACTIV, la décision du GTF a été prise à la suite d’un commentaire de Vytenis Andriukaitis, le commissaire à la santé, qui a encouragé l’industrie à faire preuve de plus de transparence.

Le 4 avril, le commissaire avait ainsi envoyé une lettre au consortium, demandant la publication des études sur la cancérogénicité du glyphosate chez les animaux de laboratoire. Ce sont ces études qui ont servi de fondement à l’évaluation de l’EFSA.

Enrico Brivio, porte-parole de la Commission, a récemment confirmé que l’exécutif tentait d’instaurer une meilleure transparence sur la question du glyphosate. « Le Commissaire Andriukaitis a invité le Groupe de travail sur le glyphosate à publier les études […] Le commissaire reste convaincu qu’il faut davantage de transparence sur ces études », a-t-il expliqué à EURACTIV.

Les salles de lecture, un dispositif insuffisant

L’ONG Greenpeace, qui milite pour une interdiction complète du glyphosate, a cependant critiqué le fait que les études ne sont accessibles que via des salles de lectures. Selon Marco Contiero, directeur pour l’alimentation et l’agriculture chez Greenpeace, cette solution est loin de régler la question de la transparence. Les études ont en outre été modifiées.

« Les études sur la dangerosité des produits chimiques auxquels les humains et l’environnement sont constamment exposés doivent être accessibles au public, comme le stipule le droit européen », martèle-t-il.

Pour que les scientifiques indépendants, comme ceux qui travaillent pour le Centre international de recherche sur le cancer, de l’Organisation mondiale de la santé, puissent évaluer la dangerosité de ce type de produits, il faut que toutes les études scientifiques soient entièrement accessibles à tous.

« Pas seulement une sélection [des études réalisées], après l’évaluation et uniquement dans une salle de lecture », précise-t-il.

Selon le GTF, une très petite quantité d’informations a été censurée dans les documents accessibles, et cette correction a été faite dans le respect du règlement n° 1107/2009 sur la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

>> Lire : Glyphosate : les caprices de la Commission menacent les Européens

Une position « déraisonnable », selon Monsanto

Monsanto, membre du GTF qui produit notamment le pesticide Round-Up, à base de glyphosate, assure cependant que les salles de lecture sont une bonne solution, puisqu’elles permettent un accès aux études tout en protégeant les intérêts des entreprises privées.

Brandon Mitchener, directeur des affaires publiques pour Monsanto Europe, insiste sur le fait que certaines ONG refusent de reconnaître le droit des entreprises à protéger des informations confidentielles.

« C’est une position déraisonnable qui n’est partagée par aucun gouvernement dans le monde […] Le droit européen lui-même reconnait explicitement le droit des entreprises à garder certaines informations secrètes, pour des raisons de compétitivité », estime-t-il.

>> Lire : Glyphosate et Brexit, même combat ?

L’Autorité européenne de sécurité des aliments a déclaré en novembre 2015 qu’il était peu probable que le glyphosate provoque le cancer chez les hommes et a proposé d’élever les plafonds du pesticide.

L’EFSA conseille les décideurs politiques européens et ses conclusions étaient censées ouvrir la voie à un renouvellement de l’autorisation du glyphosate par les 28 États membres. La molécule est entrée sur le marché en 1974. Elle est rapidement devenue le numéro 1 des ventes, notamment avec le Round Up du géant agrochimique américain Monsanto.

Les groupes environnementaux appellent à une interdiction de la substance depuis que le centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’OMS, a affirmé en mars 2015 que le glyphosate était un « cancérogène probable pour les humains ».

Selon un groupe d’action, 1,4 million de personnes ont signé une pétition appelant l’Union européenne à suspendre l’autorisation du glyphosate en attendant d’autres évaluations.

Greenpeace qualifie pour sa part le rapport de l’EFSA de « camouflage ».

  • D’ici fin 2017 : L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) aura rendu son opinion sur le glyphosate.

Inscrivez-vous à notre newsletter

S'inscrire