L’UE en campagne pour une aviation moins polluante

À la veille de la conférence sur l’aviation mondiale à Montréal, l’UE redouble d’efforts pour encourager le plus de pays possible à limiter ses émissions dans le secteur de l’aviation dès 2021.

La Commission européenne est entrée en action après avoir appris que des États membres ont accepté la période d’acclimatation de six ans voulue par les pays les plus réticents de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Les 191 membres de l’organe de l’ONU responsable des transports aériens devraient adopter un mécanisme de marché mondial pour réduire les émissions dans le secteur de l’aviation au cours de l’Assemblée générale qui débutera le 27 septembre et durera deux semaines.

Ce mécanisme sera fondé sur le principe des compensations. Ainsi, les pays les plus polluants et leurs compagnies aériennes pourront acheter des unités de réduction des émissions dans d’autres secteurs ou dans des pays en développement.

Le mécanisme fera partie d’un paquet dont l’objectif sera d’atteindre une croissance neutre en carbone à partir de 2020. Actuellement, les compagnies aériennes transportent près de 3,3 milliards de passagers chaque année, un chiffre qui devrait doubler d’ici 2035.

Pour atteindre la neutralité carbone, les pays et les compagnies aériennes compteront également sur des moteurs plus efficaces, l’amélioration des systèmes de contrôle de l’air, de meilleures routes, et des biocarburants durables.

Les représentants de l’UE se sont dits satisfaits des discussions en cours au sujet du mécanisme de compensations, qu’ils considèrent comme la solution la plus envisageable pour limiter les émissions sur le court terme.

Une source a révélé que la proposition récoltait un soutien considérable parce qu’elle comporte un accord mondial et obligatoire qui ne génère pas de distorsion entre les différents acteurs dans le secteur.

Cependant, les États membres présents à l’OCAI ont dû faire des « concessions » pour arriver à un accord : une période préliminaire de six ans pour l’intégration des pays dont le secteur de l’aviation est moins développé.

>> Lire : Le Parlement tacle les négociations sur les émissions du transport aérien

Or, cette période d’adaptation a été source de tensions avec les eurodéputés et les ONG environnementales qui insistent pour que le projet soit plus ambitieux. Ils ont expliqué que l’engagement mondial pour arrêter l’augmentation des émissions de gaz dans le secteur de l’aviation d’ici 2020 pouvait être sévèrement affecté si des membres de l’OCAI n’ont pas rejoint le système en 2021.

Dans ce contexte, l’UE a donné la priorité à une campagne de sensibilisation pour le plus de pays possibles soient inclus dans le mécanisme dès le premier jour.

« Nous sommes sur la bonne voie », ont estimé les représentants. À ce jour, environ 50 pays, dont l’UE et ses pays voisins, les États-Unis, l’Indonésie, le Canada et le Mexique ont déclaré qu’il rejoindrait le mécanisme dès le début. La Chine s’y est également engagée.

C’est également le cas de pays initialement exemptés du mécanisme pour la petite taille de leur secteur de l’aviation, comme les pays baltes ou les îles Marshall.

Les eurodéputés ont toutefois tiré la sonnette d’alarme en apprenant le retard de six ans négocié par un certain nombre de pays.

Bas Eickhout, un eurodéputé chargé des questions sur l’aviation pour le parti des Verts, affirme être « abasourdi » par ce que la Commission est prête à accepter.

« Nous nous étions accordés sur un lancement en 2021. Les discussions actuelles prévoient cependant un planning jusqu’en 2027 et des exemptions. C’est une différence énorme avec le projet d’origine ! », s’est-il exclamé.

Dans une déclaration signée le 9 septembre, les États membres ont averti que « notamment tous les États importants de l’aviation » devaient rejoindre le mécanisme dès son lancement.

Les pays possédant des compagnies aériennes plus importantes, notamment les pays du Golfe, ne se sont pas exprimés sur leurs intentions.

Dans la perspective d’une approche volontaire jusqu’en 2027 et de la vente de crédits, l’ONG Transport and Environment a estimé que les discussions prenaient la direction d’une « sérieuse déception ».

« Nous craignons que les risques soient plus importants que les résultats : les consommateurs et les gouvernements pourraient penser à tort qu’ils virent ‘écolo’ alors qu’en vérité, les compagnies aériennes ont seulement acheté quelques compensations, de qualité potentiellement douteuse », a averti l’organisation.

Deux systèmes, un objectif

Le résultat des négociations sera déterminant pour la mise en œuvre du système d’échange de quotas d’émissions (ETS) de l’UE à l’échelle internationale.

L’UE a décidé de suspendre son ETS en 2012, dans la mesure où des pays tiers s’étaient insurgés des coûts supplémentaires que le bloc voulait imposer sur les vols arrivant ou partant du territoire européen.

Les États membres s’étaient alors accordés pour décider de l’application de l’ETS pour les pays tiers, une fois que l’assemblée de l’OCAI aurait échangé sur un mécanisme mondial pour réduire les émissions.

Selon les informations obtenues par EURACTIV, les décideurs politiques ont admis que l’ETS n’avait pas été appliqué aux pays tiers et ne le serait pas, peu importe les conclusions de l’OCAI.

Ainsi, les compagnies aériennes européennes risquent d’être désavantagées, dans la mesure où elles seront soumises à deux systèmes, tandis que leurs concurrents pour choisir de rejoindre le système de l’OCAI seulement en 2027.

Bien qu’il s’agisse de deux systèmes différents, les représentants de l’UE ont affirmé qu’il n’y aurait pas de difficultés à les mettre en œuvre tous deux en Europe, à la condition qu’ils ne représentent pas un doublement des efforts.

La mesure mondiale fondée sur le marché s’intégrera à un programme plus large qui inclura également la gestion des risques croissants de cyberattaque, de l’utilisation des drones et d’autres questions liées à la sécurité, comme le survol de zones de conflit.

>> Lire : L’aviation subit 1000 cyberattaques par mois

Le secteur de l’aviation, tout comme le secteur des transports maritimes, dispose de sa propre agence à l’ONU : l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), qui gère la réduction des émissions de CO2 des avions. Une mission qui a été attribuée à l’OACI par le protocole de Kyoto.

Un accord mondial est cependant difficile à trouver. En 2012, comme aucun accord n’avait été signé, l’UE a inclus les émissions des avions dans son système d’échange des quotas sur les émissions. Cette décision a provoqué une réaction violente de pays industriels, tels que la Chine et l’Inde qui ont refusé de se plier aux conditions du système et ont menacé l’UE avec des représailles sur le plan commercial.

L’UE a donc suspendu temporairement le système pour permettre à l’OACI de trouver une alternative à l’échelle mondiale. Les compagnies aériennes internationales, qui n’ont pas manqué une occasion de critiquer le système de plafonnement, sont pour l’instant exemptées des mesures de l’UE.

Dans l’ensemble, l’industrie de l’aviation s’oppose farouchement à toute mesure fondée sur le marché qui n’est pas provisoire, privilégiant une formule d’améliorations techniques et opérationnelles, ainsi que l’utilisation de biocarburants, pour réduire les émissions.

Les avions sont responsables de 2 % des émissions de CO2 dans le monde. Or, étant donné que le nombre de passagers double tous les quinze ans, le secteur devient une source de gaz à effets de serre en constante augmentation. En raison de son étroite connexion avec les énergies fossiles, la réduction des émissions dans l’aviation représente un défi. Le problème du stockage de l’électricité exclut son utilisation en vol, laissant peu d’options aux constructeurs d’avion, qui se sont engagés à stabiliser les émissions de CO2 d’ici 2020.

  • Du 29 septembre au 7 octobre : Assemblée générale de l’OACI à Montréal, Canada.
  •  8 décembre 2015 : Fin de l’exemption des vols internationaux dans le système d’échange de quotas de l’UE.

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