«Le plan d’investissement pour l’Afrique pourrait rassembler 88 milliards d’euros»

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Exclusif. Le commissaire européen au développement, Neven Mimica affirme que le nouveau plan d’investissement externe annoncé par l’UE pourrait mobiliser jusqu’à 88 milliards, si les Etats membres y participent.

Neven Mimica est le commissaire européen à la coopération internationale et au développement.

Jean-Claude Juncker a annoncé un « plan d’investissement externe de l’UE » lors de son discours sur l’état de l’union. De quoi s’agit-il, et cela fonctionnera-t-il ?

Le plan d’investissement externe de l’UE (PIEE) est une initiative novatrice pour encourager l’investissement en Afrique et dans les pays du voisinage de l’UE. Ces investissements contribueront à créer une croissance durable et des emplois inclusifs, particulièrement dans des secteurs socio-économiques comme l’énergie durable ou les infrastructures sociales. Ils soutiendront en outre les micros, petites et moyennes entreprises.

Le PIEE est constitué de trois piliers complémentaires. Le premier améliore l’accès aux finances. Il repose sur un nouveau fonds européen pour le développement durable, qui combine des structures de placement existantes à une nouvelle garantie. Cette garantie sera transférée à des institutions de financement intermédiaires, qui soutiendront les bénéficiaires finaux, comme des entreprises, grâce à des prêts, des garanties ou des produits similaires.

Le deuxième pilier se concentre sur l’assistance technique au développement de projets aboutis et intéressants d’un point de vue financier. Le troisième est constitué d’actions pour l’amélioration de l’environnement commercial général. Cela comprend la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption, la suppression des obstacles à l’investissement et les distorsions du marché.

Le PIEE bénéficiera de 3,35 millions d’euros issus du budget européen et du Fonds européen de développement. Il financera des instruments innovants comme des garanties, afin d’épauler l’investissement privé, dans le but de mobiliser jusqu’à 44 milliards d’euros. Si les États membres et les autres partenaires suivent l’exemple de la Commission, le total mobilisé pourrait atteindre les 88 milliards d’euros.

>> Lire : Mimica : «il faut lier migration et aide au développement en Afrique»

Ce mécanisme est-il séparé du Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique, annoncé l’an dernier lors du sommet de Valletta sur l’immigration, ou s’agit-il d’instruments complémentaires ?

Le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique et le PIEE sont deux instruments séparés, dont les objectifs sont complémentaires, mais pas identiques.

Le Fonds fiduciaire a été établi lors du sommet de La Valette le 12 novembre 2015 dans le but de soutenir tous les aspects de la stabilité, de contribuer à une meilleure gestion de l’immigration et d’affronter les causes originelles du manque de stabilité, des déplacements forcés et de l’immigration illégale.

Ces objectifs seront atteints via des programmes de promotion de la résistance, des opportunités économiques égales, de la sécurité et du développement et en supprimant les violations des droits de l’Homme. Le Fonds est un instrument d’urgence. Il a pour vocation de compléter des instruments européens existants, les cadres réglementaires nationaux et régionaux et les programmes bilatéraux des États membres en donnant une réponse rapide et flexible aux défis de la crise migratoire.

Le plan d’investissement extérieur poursuit quant à lui des buts à moyen et long terme. Son objectif principal est la réduction, et à long terme l’éradication, de la pauvreté et la gestion des causes de l’immigration illégale. Il contribuera également à d’autres objectifs à long terme, comme le renforcement d’un développement économique, social et environnemental durable et inclusif, ou le soutien de la démocratie, de l’état de droit, de la bonne gouvernance, des droits de l’Homme et de l’égalité des genres.

Avez-vous reçu des signaux de la part d’États membres qui entendent suivre l’exemple de la Commission et débloquer des fonds importants ?

S’attaquer aux racines de la migration illégale dans nos pays partenaires est, et doit être, une entreprise commune soutenue par des partenaires divers.

Nous avons tout intérêt à collaborer étroitement avec les États membres pour concevoir et concrétiser le PIEE et entraîner une réelle augmentation des investissements dans nos pays partenaires.

Nous avons donc, bien sûr, consulté soigneusement les États membres avant de proposer le projet. Les États membres seront pleinement impliqués dans la structure gouvernante du nouveau Fonds européen pour le développement durable, qu’ils contribuent financièrement ou non. Bien sûr, notre ambition est d’attirer des contributions considérables de leur part.

La proposition prévoit donc des incitations importantes. Les États membres peuvent contribuer en cash, mais aussi en garanties.

Ils ne s’exposeraient qu’aux risques secondaires, les risques primaires seraient assumés par l’UE. Ils pourraient aussi cibler leurs contributions vers des thématiques ou des zones géographiques spécifiques.

Au vu de ces trois points et des discussions que nous avons déjà eues avec les États membres à ce jour, je pense qu’ils vont faire des contributions non négligeables.

Le mélange des investissements publics et privés fait fureur en ce moment, mais comment justifiez-vous le fait que l’UE (et donc les contribuables) se retrouve à assurer ou subventionner des sociétés occidentales qui font du profit dans les pays les plus pauvres de la planète ?

Certains des principaux défis des pays en développement restent de créer une croissance inclusive et durable et de l’emploi. En ce qui concerne l’investissement direct étranger (IDE) aux pays en développement, seuls 6 % de ces placements sont dirigés vers les pays fragiles, où le taux d’investissement par personne est donc près de cinq fois moins importantes que dans les autres pays en développement.

De la même manière, démarrer une affaire dans ces pays fragiles est près de trois fois plus cher que dans les autres pays en développement. Malgré la croissance démographique continue, la croissance économique africaine est retombée à son niveau de 2009.

Associée à des problèmes de sécurité considérable, cette tendance exacerbe la pauvreté. Pour atteindre un développement inclusif et durable, il est nécessaire d’impliquer le secteur privé, comme l’ont confirmé les dirigeants mondiaux dans le programme d’action sur le financement du développement à Addis Abeba en 2015.

Il est essentiel de souligner que les garanties contre les pertes du Fonds pour les investissements stratégiques (FESF) ne seront accessibles que dans le cas où le risque aurait auparavant empêché le placement. /Pour bénéficier d’une aide, le projet devra répondre à certains critères, notamment liés au développement économique et social.

Le développement durable et la création d’emplois, surtout pour les jeunes et les femmes, seront particulièrement favorisés, tout comme les projets ciblant les sources de l’immigration illégale. Également sous les feux de la rampe, les secteurs socioéconomiques : l’énergie, l’eau, le transport, l’informatique, l’environnement et les infrastructures sociales.

Quels seront les critères d’évaluation du succès du PIEE ?

Le PIEE sera une réussite s’il permet de mobiliser les investissements prévus et si ces investissements mènent à une croissance durable et à l’emploi dans les pays partenaires. Il sera une réussite s’il permet de faire de l’immigration un choix, et non une nécessité.

Les critères et indicateurs précis seront définis dans la structure de gouvernance du FESF.

Les résultats seront signalés tous les ans au Conseil et au Parlement. Nous publierons également un rapport d’activité annuel, qui donnera un aperçu des projets financés. En outre, un plan de communication sera préparé pour chaque opération, afin que le financeur sélectionné présente les projets et résultats.

Le Conseil prévoit une chute de 10 % du budget au développement. Comment l’exécutif va-t-il financer cette nouvelle initiative (et le Fonds fiduciaire pour l’Afrique) avec un budget aussi réduit ?

Le financement qui sera utilisé directement ou pour attirer des placements supplémentaires proviendra du budget européen et d’autres sources, comme le Fonds européen de développement. Il sera constitué de fonds européens à hauteur de 3,35 milliards d’euros jusqu’en 2020. Les États membres et autres partenaires fourniront des fonds supplémentaires. Si les États membres égalent les contributions de la Commission sur les garanties, cela porterait le total des investissements à 62 milliards d’euros.

S’ils font de même pour le mix d’investissement [privé-public], l’investissement total mobilisé serait de 88 milliards d’euros.

>> Lire : Le Parlement s’inquiète du financement du fonds spécial pour l’Afrique

Jusqu’ici, ils ont fait des contributions peu significatives au Fonds fiduciaire sur l’Afrique, moins de 90 millions d’euros au total. Pensez-vous que cela changera ?

Je ne dirais pas que les contributions au Fonds fiduciaire sont peu significatives. 25 États membres ont confirmé leur participation, ainsi que deux donateurs non-UE, la Norvège et la Suisse. Les Pays-Bas ont contribué à hauteur de 15 millions d’euros, la Belgique et l’Italie 10 millions et le Danemark 6 milliards. Ce sont des sommes non négligeables.

Les contributions sont pourtant loin d’égaler la participation de l’UE, c’est vrai. Nous sommes en discussion avec les États membres sur le sujet. Le Fonds rassemble des ressources de différentes origines et assure une approche stratégique, complète, mais aussi flexible, avec une application rapide.

J’espère que cela convaincra les États membres des mérites d’une augmentation de leur contribution.

Le secteur privé est-il davantage convaincu par le Fonds ?

À ce jour, nous n’avons reçu aucune donation du secteur privé.

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