Les compteurs intelligents seraient superflus

Installation d'un nouveau compteur intelligent.

La transition européenne vers un réseau électrique intelligent pourra se passer de compteurs intelligents, selon des industriels. Un constat qui risque d’embarrasser la Commission, tout comme ERDF et son compteur Linky en France.

Il existe d’autres moyens plus efficaces que les compteurs intelligents pour développer des réseaux électriques intelligents, ont déclaré des délégués de l’industrie lors de la convention annuelle de l’association européenne de l’électricité – Eurelectric – organisée à Vilnius début juin.

Ces moyens sont par exemple une intégration plus rapide des renouvelables, le développement des réserves d’énergie, et une meilleure gestion de la demande d’énergie, ont expliqué les représentants.

Les bénéfices réels des compteurs intelligents ont aussi été remis en question lors de la conférence. Plusieurs États membres avaient déjà douté de leur efficacité. L’Allemagne par exemple a décidé de ne pas élaborer de stratégie de lancement au niveau national, allant ainsi à l’encontre des exigences contenues dans les lois européennes.

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Objectif de déploiement de 80 %

Dans le cadre du troisième paquet sur l’énergie de 2009, les États membres de l’UE doivent mettre en place des compteurs intelligents partout où cela est rentable, dans l’objectif de remplacer 80 % des compteurs électriques par des compteurs intelligents d’ici à 2020.

L’objectif de 80 % s’applique aux foyers et aux bâtiments commerciaux, a confirmé un porte-parole de la Commission. L’exécutif publiera dans les deux prochaines années un rapport sur les compteurs intelligents « dans le contexte de notre exercice de surveillance régulière des progrès des États membres », a commenté le porte-parole.

Mais les avancées sont lentes, car seuls quelques pays ont achevé le déploiement alors que les autres – notamment l’Allemagne – s’opposent au lancement de cette technique.

Par ailleurs, les pays qui se sont lancés dans l’installation de compteurs intelligents, comme le Royaume-Uni, se sont heurtés à des obstacles pour terminer le déploiement, car certains compteurs ne pourraient plus fonctionner si le consommateur décide de changer de fournisseur d’énergie.

Markus Merkel, membre du conseil d’administration du gestionnaire de réseau de distribution allemand EWE, a déclaré lors de la conférence Eurelectric que les compteurs intelligents en Allemagne ne présentaient pas de rentabilité positive.

>> Lire : Compteurs intelligents : les ambitions de l’UE ne répondent pas aux attentes

Données en temps réel

Le passage de la société EWE vers un réseau électrique intelligent s’est fait en grande partie en modernisant le système pour intégrer la grande quantité d’énergies renouvelables à un rythme plus soutenu. Selon Markus Merkel, les compteurs intelligents seraient plus utiles pour eux s’ils fournissaient des données en temps réel de la consommation d’énergie plutôt que les écarts d’environ 15 minutes donnés par les compteurs actuels.

« Nous avons besoin de quelques choses de différent, et peut-être qu’un système de mesure 2.0 – la prochaine génération de compteurs intelligents – nous donnera quelque chose de plus que nous, en tant que gestionnaire de réseau de distribution, nous pourrons utiliser », explique-t-il.

Laurence Carpanini, responsable des solutions intelligentes pour l’énergie chez IBM, a fait écho à cette remarque sur les données en temps réel. « Je ne vois pas les compteurs intelligents comme des moteurs de changement – nous n’en avons pas vraiment besoin. »

Les acteurs de l’industrie devraient plutôt « réfléchir à des solutions plus flexibles » et se concentrer sur un mélange de technologies de réponse à la demande, de fréquence de la réponse et de stockage de l’énergie, a-t-elle déclaré.

Les commentaires de l’industrie viennent faire de l’ombre à la stratégie de la Commission européenne de déployer les compteurs intelligents à travers l’Europe d’ici à 2020. Le porte-parole de la Commission a pour l’instant refusé de commenter l’avis des industriels sur la nécessité, ou non, des compteurs intelligents dans la transition vers des réseaux intelligents.

Les États membres devraient quant à eux mener leur propre analyse coût-bénéfice pour le lancement des compteurs intelligents au niveau national, a-t-il tout de même indiqué.

Les bases d’un déploiement des compteurs intelligents en Europe ont été jetées en 2006 dans une directive européenne sur les services énergétiques et l’efficacité énergétique dans les utilisations finales. La loi demandait aux États membres de s’assurer que les consommateurs d’énergie et d’eau étaient équipés de compteurs individuels et recevaient des informations de facturation précises, notamment avec le temps de consommation.

Les directives sur le gaz et l’électricité du troisième paquet européen pour l’énergie, adopté en 2009, obligent les États membres à préparer un calendrier pour l’introduction de systèmes de mesure intelligents. Dans le cas de l’électricité, au moins 80 % des consommateurs devraient être équipés en compteurs intelligents d’ici 2020, à la suite d’une évaluation coûts-bénéfices.

La directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments demande aussi aux États européens « d’encourager la mise en place de système de comptage intelligent » lors de la construction d’un bâtiment ou d’une rénovation.

  • 2017/2018: Rapport d’évaluation de la Commission sur les progrès des États membres en matière de déploiement des compteurs intelligents.
  • D’ici 2020 : La loi européenne exige des États membres qu’au moins 80 % des consommateurs soient équipés de compteurs intelligents.

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