Les fuites sur le TTIP pourraient bénéficier au traité

Alberto Alemanno [YouTube]

Suite à la publication des fuites du TTIP, l’opposition semble gagner du terrain. Cette perception pourrait cependant être fausse, selon le spécialiste Alberto Alemanno. Un article de ClassEURACTIV.

Alberto Alemanno est professeur de droit européen, titulaire de la Chaire Jean Monnet et directeur scientifique du centre de droit européen mise en place par HEC Paris et la faculté de droit de l’université de New York.

Les fuites de documents du TTIP marquent-elles la fin du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ?

Il n’y a rien de neuf dans ces fuites. Elles sont utilisées contre l’UE, mais il s’agit en réalité d’une aubaine. Je pense que la position de négociation européenne en sort renforcée, grâce au choix de transparence fait par la Commission, qui a rendu publique sa position sur tous les chapitres de négociation.

Les fuites indiquent que l’UE résiste aux exigences des États-Unis, qui tentent parfois l’intimidation.

Cela signifie-t-il que la Commission est faible ?

Je ne pense pas. Regardez les réactions aux fuites sur les négociations : le camp le plus irrité était le département d’État américain, peut-être parce qu’ils se rendent compte qu’ils n’ont pas fait les bons choix en matière de transparence.

>> Lire :  Timmermans défend la transparence de l’UE après les fuites du TTIP

Pas d’interruption des négociations, donc ?

Les négociations se poursuivent et les fuites n’ont pas changé les conditions ou le calendrier. Les réunions thématiques entre les deux parties, organisées entre les cycles de négociation officiels, continuent. J’ai récemment assisté à une de ces réunions, qui se penchait sur mon domaine de responsabilité, la coopération réglementaire.

Celle qui pourrait ouvrir la voie à un affaiblissement des normes et à l’abandon du principe de précaution, surtout dans le secteur agroalimentaire ?

Cette perception est complètement fausse. L’UE et les États-Unis prennent tous deux des décisions fondées sur le principe de précaution, étant donné que les prises de décision sont principalement basées sur le consensus entre parties prenantes et citoyens.

Certaines normes sont plus protectrices aux États-Unis qu’en Europe. C’est notamment le cas de l’utilisation d’antibiotiques vétérinaires. Il existe pourtant déjà un traité d’équivalence entre les productions européenne et américaine qui permet de passer outre cette différence.

Qu’en est-il des viandes aux hormones ?

Les États-Unis ont un quota d’exportations de bœuf sans hormones vers l’UE. Ce quota est le résultat d’une controverse sans fin qui a débuté dans les années 1990 au niveau de l’OMC, et il est si élevé que les Américains ne l’atteignent pas.

Parce qu’ils ne produisent pas assez de bœuf sans hormones…

Oui, mais la demande nationale augmente, parce que les consommateurs américains en veulent également.

Le ministre des Finances français estime que l’Italie ne devrait pas non plus faire trop de concessions au TTIP. Qu’en pensez-vous ?

En Italie, nous devrions être un peu plus rigoureux et mieux analyser les nombreuses études qui montrent que nous bénéficierions de l’accord. Le débat actuel est fondé sur des arguments complètement biaisés, les autorités italiennes devraient s’occuper de ce déséquilibre de l’information.

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